Compte-rendu de la sortie du 29 novembre 2014 avec le CREPAN
Le samedi 29 novembre, quatre membres de l'association Cécitix se sont rendus à la Pointe du Siège à OUISTREHAM pour assister à un plage-bar-zoom consacré aux pierres percées. Nous avions rendez-vous à 10h au phare du port. C'est un groupe de plus de vingt personnes de différentes associations, notamment du CREPAN (Comité Régional d'Etude pour la Protection et l'Aménagement de la Nature), qui s'est mis en marche pour une recherche de pierres percées sur la plage.
Comme son nom l'indique, chaque Plage-bar-zoom se déroule en deux parties : une heure de recherche sur la plage, puis une heure dans un bar pour un zoom sur nos trouvailles et sur le thème du jour. Pour ce PBZ du 29 novembre, c'est au Club House du port que nous avons pu assouvir notre curiosité.
Les premiers cailloux percés qui ont été ramassés sont des silex. Leur perforation a été faite lors de leur formation. Ensuite, ce sont des pierres un peu plus intéressantes qui ont été trouvées. Elles ont été percées par des polydores, une sorte de petits vers annélides de deux à trois centimètres qui creusent une galerie en u. En surface on observe deux petits trous rapprochés évoquant un trou de serrure. Ces petits vers cherchent à s'abriter en creusant surtout dans le calcaire. Ils sont tellement nombreux qu'ils participent grandement à l'érosion de la roche.
Nous avons également trouvé des pierres et des coquillages percés par des pholades, ainsi qu'un spécimen intéressant de caillou percé par des polydores d'un côté et attaqué par des cliones de l'autre.
Nous avons encore ramassé des coquillages percés par des natices, sortes d'escargots marins qui font des trous en entonnoirs contrairement aux murex et aux pourpres qui, eux, font des trous droits.
Une fois notre « cueillette » terminée, nous avions encore des questions à éclaircir. Pour y répondre, nous avons rejoint Monsieur Bénard au bar pour la deuxième partie de cette sortie. Il nous a expliqué comment les petits animaux marins, qui ne doivent pas être entraînés par les flots pour survivre, s'accrochent de différentes façons au substrat marin. La coque se cache dans le sable presque en surface tandis que la palourde se protège plus en profondeur. Le couteau, lui aussi, se protège dans le sable très profondément. D'autres, comme la patelle, adhèrent à la pierre comme une ventouse. Mais le système le plus efficace est de se protéger en pénétrant dans le substrat rocheux. Ce sont ceux que nous appelons les perforants, les térébrants et aussi les lithophages. Nous rencontrons également des xylophages, de la famille des isopodes. Ce sont des petits crustacés qui percent le bois, tels que le taret que les marins connaissent malheureusement trop bien.
Certaines espèces comme le plancton marin sont libres. Elles sont entraînées par la marée. D'autres doivent s'accrocher au substrat marin pour se protéger. La patelle se fixe mais elle peut encore bouger tandis que la balane se fixe définitivement.
Ceux qui nous intéressent aujourd'hui s'enfoncent dans la roche. Ce sont les spongiaires, les lamélibranches, les annélides et les crustacés isopodes.
Pour commencer, Francis Bénard nous parle des polydores. Ce sont des vers marins de la famille des polychètes. Il existe deux sortes d'annélides : les polychètes avec plusieurs sortes de soies sur le corps et les oligochètes, qui n'ont qu'une seule sorte de soie (ce sont les vers de terre).
Les polydores, en s'agitant, creusent la pierre par la rotation de leurs soies. Les trous de polydores sont toujours doubles, ce qui n'est pas le cas pour les trous percés par les éponges par exemple.
La densité des polydores est fabuleuse car on peut en dénombrer 10 mille au mètre carré, ce qui contribue à l'érosion de nos côtes. Des milliers de tonnes de calcaire sont ainsi entraînées par la mer, ce qui la colore. D'où vient le nom de « Côte de Nacre ». Les polydores creusent mécaniquement par rotation alternée grâce à leurs soies très dures avec des sortes de petites griffes qui grattent dans le calcaire et d'autres soies qui sont en massues, hérissées de petits picots qui liment la pierre. Une autre espèce de polydores a été importée du Japon avec les huîtres car ils se logent dans la coquille de celle-ci, la rendant friable. Et s'ils sont trop nombreux, les huîtres sont invendables.
Dans les espèces perforatrices, on trouve également les éponges. Ce sont des invertébrés primitifs. C'est une masse de tissus pleins de trous. Ces tissus communiquent avec l'extérieur par deux systèmes : l'eau pénètre par des pores puis est filtrée par des cellules hyper sophistiquées, et d'autres trous plus gros rejettent l'eau dans la mer.
Les perforations des éponges ne sont pas doubles comme celles du polydore mais elles se caractérisent par une sorte de galerie creusée entre la coquille externe et la coquille interne. Nous pensons que les perforations réalisées par les éponges se font de façon chimique, le calcaire étant sensible aux acides.
Nous étudions ensuite les pholades. Elles font partie des lamellibranches. Les trous qu'elles creusent sont plus gros que ceux que nous avons vus jusqu'à présent. Elles creusent de façon mécanique en s'aidant des particularités de leur coquille, marquée de rides et de pointes. On y trouve même un renfort dans le ligament pour la rendre encore plus solide : c'est l'apophyse. C'est elle qui permet la rotation qui leur sert à creuser. La coquille reste béante pour correspondre avec l'extérieur.
Nous terminons par les oursins. Il semble que ces derniers creusent avec leurs dents. Ce sont des dents qui imitent celles des carnivores. Les oursins creusent le granite de façon mécanique mais également de façon chimique. Ils creusent en contournant la partie la plus dure du granite, puis ils l'enlèvent pour continuer à creuser. Ils restent ainsi accrochés à la pierre.
Tout au long de cet exposé, des pierres, des coquilles et des photos ont circulé pour illustrer les propos de Monsieur Bénard que je remercie pour la qualité et la clarté de ses explications. Cette matinée très instructive s'est terminée par un repas convivial qui nous a permis d'échanger entre nous.
Rédigé par Nicolas Fortin, le 5 décembre 2014.
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