>Compte-rendu de la visite de l’exposition John Batho au musée de Normandie le lundi 11 juillet 2016.
Le lundi 11 juillet dernier, dans le cadre de notre projet « toucher les nuages », Cécitix a organisé avec Myriam Lesko, guide conférencière au musée de Normandie, une visite de l’exposition John Batho. Le photographe a en effet consacré une série de ses œuvres aux nuages.
Cette exposition, intitulée « John Batho, histoire de couleurs, 1962-2015 », est présentée dans le cadre du festival Normandie Impressionniste. Trois clichés ont été retenus pour être adaptés en relief. Le musée de Normandie a en effet installé trois pupitres au sein de l’exposition présentant une reproduction en relief de l’une des photos. Chaque visiteur, voyant ou non, peut ainsi toucher les images.
Une fois le groupe réuni à l’accueil du musée, nous suivons notre guide vers la première photo qu’elle a prévu de nous décrire. Mais en préambule, Myriam nous présente John Batho. C’est un photographe normand né en 1939. Il vit aujourd’hui à Paris, mais toutes les photos de l’exposition ont été prises dans notre région.
John Batho a commencé à s’intéresser à la photographie couleur en 1961, alors que le noir et blanc était encore de rigueur dans le milieu de la photo artistique. Il sera un précurseur de la photo couleur ce qui empêchera son talent d’être reconnu durant plusieurs années. Il faudra attendre la fin des années 70 pour qu’il puisse faire de grandes expositions à Paris et à New York.
L’exposition présentée au musée de Normandie se décompose en huit séries appartenant à deux styles bien différents. Les premières photographies sont prises sur le vif, sans montage, et représentent des scènes de la vie quotidienne, de l’intimité du photographe, de sa famille, dans sa maison, dans les ruelles qu’il parcourt. Ces deux séries n’avaient jamais été exposées jusqu’alors.
Dans la seconde partie de l’exposition, les photos sont davantage artistiques. Il s’agit généralement de commandes. Elles ont été travaillées, mises en scène. Il n’y a plus de personnage, mais seulement la couleur.
La première photo que nous présente Myriam appartient à la série « Normandie intime ». Cette série rassemble des clichés des années 60, sans cadre, d’une dimension de 40 sur 60 centimètres, accrochés à hauteur des yeux des visiteurs. Ils sont dans des tons sombres, cannelle, gris, avec quelques pointes de couleur. John Batho travaille beaucoup avec le flou, le miroir, l’illusion. Il aime troubler les gens. Pour lui, la photo, c’est une expérience. Il n’y a pas besoin de code pour la comprendre. C’est la raison pour laquelle il présente ses photos sans vitre ni cadre, et sans découpage du bord extérieur.
Avant de nous décrire la première photo, Myriam nous en remet une reproduction tactile afin de nous faciliter la représentation mentale que nous nous en ferons. Cette photo au format paysage est prise en intérieur. C’est ce que nous pourrions appeler une nature morte. Elle est basée sur trois nuances de couleurs : du bleu, du jaune et du vert. L’image peut se découper de deux façons : d’abord horizontalement, au deux tiers de la hauteur, puis en diagonale du bas à gauche vers le haut à droite.
Les deux tiers inférieurs sont occupés par le plateau d’une table, recouvert d’une toile cirée décorée de rinceaux qui s’entrecroisent, formant ainsi un quadrillage. Cette toile cirée, typique des années 60, est un peu jaunie, délavée, manifestement déjà bien usée. Les rinceaux eux sont verts et jaunes, leur dessin représentant de grandes feuilles vertes avec des fleurs au milieu.
Dans la partie supérieure, le mur d’un bleu vif donne de la luminosité au cliché. Myriam nous précise que l’artiste utilise la lumière naturelle, choisie au moment le plus approprié de la journée.
Sur la table, trois objets sont disposés suivant la diagonale, dans sa partie supérieure.
Dans l’angle inférieur gauche, est posée une assiette remplie de pomme de terre épluchées, bien jaunes, avec des feuilles de chou de chaque côté.
En remontant vers la droite, un demi chou est placé dans le prolongement de cette assiette. Son cœur est jaune pâle et les feuilles extérieures plus vertes.
Un peu plus haut vers la droite se trouve un bocal transparent, utilisé comme vase, avec des tiges de persil formant une tâche vert foncé sur le bleu du mur.
Dans cette photographie, John Batho a saisi un instant de vie de la campagne normande des années soixante.
La deuxième photo appartient à la série intitulée « Honfleur ». Myriam nous explique que John Batho a souvent réalisé des séries de photographies, celles-ci pouvant s’étaler sur plusieurs années. La série des parasols de Deauville, par exemple, a été réalisée sur une douzaine d’années. Celle sur Honfleur rassemble des images recueillies sur cinq années. Ces photos, prises avant que John Batho soit connu artistiquement, sont encore très intimes. Elles ont toutes été réalisées l’hiver, et sont donc assez sombres. On note toutefois que le photographe commence à travailler sur les couleurs.
Myriam nous précise que, même s’il utilise aujourd’hui le numérique, John Batho ne retouche jamais ses clichés. C’est pourquoi il retourne souvent plusieurs fois au même endroit, à des moments variés, pour capter des lumières différentes.
La deuxième photo décrite représente le côté sombre d’une ruelle d’Honfleur, où toute la lumière a son importance. C’est un format paysage, de 40 sur 60 centimètres.
Là aussi, Myriam nous remet une reproduction tactile. Pour la description, nous pouvons imaginer une séparation verticale. Sur les deux tiers droits, un mur, peu éclairé, en pierre de Caen, apparemment très humide. Il est de couleur gris beige, et on n’en distingue pas les limites à droite, en haut et en bas. Le tiers gauche de la photo présente une petite fille, de dos, montant un escalier. Quatorze marches sont visibles. Un halo de lumière solaire semble venir du haut de l’escalier. Il illumine la tête de la fillette et se répand sur ses épaules ainsi que sur certaines marches.
La petite fille a des cheveux blond foncé, coupés au carré. Elle porte un manteau ou une blouse à carreaux marrons, bleu foncé et gris tombant jusqu'au-dessus des genoux. Nous pouvons voir ses jambes nues avec des chaussettes bleu foncé dont celle de gauche remonte jusqu’au genou. Elle est chaussée de mocassins beiges. Elle a le bras droit tendu et son bras gauche est replié. Sa tenue est vraiment typique des années soixante-dix. Elle semble monter cet escalier en sautillant, comme peut le faire une fillette rentrant de l’école.
Pour la troisième photographie, notre conférencière nous remet les reproductions en relief et tente de nous faire deviner ce qu’elle représente. Avec quelques indices, nous parvenons à percevoir qu’il s’agit de personnages en train de nager.
Cette photographie est extraite de la série intitulée « les nageuses », prise dans les années 90, qui fait partie des travaux artistiques de John Batho. L’accrochage est donc différent : les œuvres sont détachées du mur, légèrement en avant, et sans bordure blanche pour que la couleur prenne toute la place. Elles sont en outre d’un format plus grand. Elles sont installées par six, en deux colonnes de trois. On a ainsi l’impression d’une continuité d’une photo à l’autre, d’un mouvement.
La série « nageuses » a été réalisée à la demande de France 3 pour l’ouverture de la piscine de Trouville sur Mer. Les prises de vue sont donc très chorégraphiées. Le jour de l’inauguration, elles ont été disposées sur l’eau.
L’image décrite représente trois nageuses, dont nous n’apercevons que le bas du corps, de dos, leurs têtes étant hors cadre. Deux d’entre elles nagent en parallèle sur la gauche et la droite, tandis qu’une troisième nage au milieu en sens inverse.
John Batho a choisi les figurantes ainsi que la couleur des maillots de bain qu’il est d’ailleurs allé lui-même acheter chez Monoprix. La nageuse du milieu a un maillot de bain fuchsia, tandis que les deux autres ont un maillot de bain jaune. Le bleu de la piscine est très monochrome, donnant l’impression que les femmes volent. Les membres des nageuses ont des contours troubles puisque photographiés à travers la surface de l’eau.
Dans une autre série de nageuses, l’artiste les a photographiées en entier. Mais comme il leur a demandé de faire des bulles, leur visage est complètement flou.
Au passage, Myriam nous présente une autre série, nommée « déchiré », pour laquelle John Batho a utilisé une technique bien particulière. Il a déchiré un papier rouge épais, faisant apparaître un peu de blanc au bord de la déchirure. Il l’a placé devant l’objectif, puis a pris la photo à travers cette échancrure.
Pour terminer la visite, Myriam nous présente la série intitulée « nuages peintures ». Là encore, John Batho a utilisé un étrange procédé. Sur le papier photo, il a peint une grande trace noire. Il a pris ce papier en photo, le noir devenant blanc sur le négatif. Il a volontairement omis d’avancer la pellicule, puis a photographié les nuages. Ceux-ci sont donc imprimés uniquement sur la trace peinte. Ce qui fait que l’image n’a pas de contour, pas de délimitation du ciel, comme si les nuages passaient sur la photo.
Dans cette série, les clichés sont au format portrait, de 60 centimètres par 80. Les nuages sont de couleur blanc crémeux sur un fond de ciel bleu. Lorsqu’on observe ces photos avec un peu de recul, on a l’impression d’être devant un mur de nuages.
Nous remercions particulièrement Myriam pour avoir su si bien nous faire imaginer les photographies de John Batho et nous avoir permis de mieux comprendre son univers.
Nous remercions également les responsables du musée de Normandie d’avoir permis l’installation, pendant toute la durée de l’exposition, de reproductions tactiles en PVC réalisées par l’imprimerie Laville. Ces supports d’une grande qualité sont d’un plus grand confort encore que les feuilles thermogonflées.
Rédigé par Nicolas Fortin et Emmanuelle Gousset, le 30 août 2016.
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