Visite descriptive au musée des Beaux-Arts du 16 juin 2018

Cette dernière visite descriptive de la saison, adaptée par le musée des Beaux-Arts de Caen au public déficient visuel, avait pour objet la découverte de l’exposition « murs ».

En introduction, Claude Lebigre, notre conférencière, nous lit un extrait du tome 1 de « à la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. L’auteur, à propos de la mort de Bergotte, évoque un petit pan de mur jaune dans un tableau de Wermer.

Ce qui intéresse le musée des Beaux-Arts, à travers cette exposition, c'est le mur en tant que sujet pour un artiste.

Claude nous présente tout d’abord un tableau de Pierre-Henri de Valenciennes, peintre du 18e siècle. Il a fait sa formation en Italie.
Il fait des esquisses peintes et se donne 30 minutes maximum pour les réaliser. Par la suite, il va publier un traité de perspectives géométriques et perspectives atmosphériques. Il a un œil quasi photographique. Il va cadrer la perspective « mur ». Sur une esquisse, on voit un mur sur les 3 quarts bas. Une diagonale se dessine avec un escalier. Devant l'escalier, un arbre tordu et 2 troncs plus grêles.
L’artiste utilise très peu de couleurs : du brun, de l’ocre, du vert.
Pierre-Henri de Valenciennes joue avec les ombres et les lumières, avec les effets de la construction.

Notre conférencière nous décrit ensuite une œuvre de Guillaume Bodinier, l’esquisse d'une arche. On y voit le ciel, l'arche, avec un mur de rose, d'ocre. L'arche ouvre sur le ciel. Les pierres semblent usées. Le peintre n'a pris qu'un petit bout de l'architecture.

Dans un tableau de Pierre Tal Coat, on voit un bâtiment, bleu et blanc, un mur, de mêmes couleurs. On devine une villa contemporaine, des arbres, un chemin. La représentation est très frontale.

Christian Segaud, lui, représente un mur, un pignon. On voit 2 cheminées et le toit.

Claude nous explique alors l’œuvre de Pierre Buraglio. Sur des châssis, il colle des morceaux de contreplaqué. Il a fait un petit pan de mur jaune en plaques de céramique, agencées comme des briques.
Sur un autre tableau, il reconstruit un paysage avec en bas une petite plaque de médium dans les verts, en haut, un autre vert qui peut évoquer le ciel. Et entre deux, il a peint un mur.
Un autre tableau représente un mur en 3 bandes verticales: le premier fait usé, gratté. Le deuxième semble couvert de salpêtre. Le troisième est gris avec un fond bleu qu'on voit par transparence, et une bande jaune.
Par l'évocation, à travers ces collages, on reconnaît un paysage.
Pierre Buraglio a également réalisé un grand tableau de 1,2M sur70cm :
un mur de briques en relief et un ciel brossé dans un dégradé de bleu, gris, blanc, avec des nuages.

Le mur est ainsi devenu sujet en lui-même.

La seconde salle est consacrée aux 4 murs, qui peuvent être ceux de la maison mais aussi de la prison.

Claude nous présente une installation de Gregor Schneider. C’est une chambre construite comme un igloo, où l’on entre par un petit tunnel.
Gregor Schneider hérite d'un pavillon de ses parents en 1986. Il va doubler toutes les pièces pour les isoler avec un matériau de récupération. Il va être complètement coupé du monde.
La maison va finir par l'expulser, tant il ne supportait plus d'y rester. C'est alors pour l’artiste une véritable renaissance.

Quant à Claude Lévêque, il fait une sérigraphie d'un pavillon, avec une belle allée bien propre. Les mots "Prêt à crever" sont inscrits dessus.
Cela évoque à la fois le manque de vie de cette maison et la ruine des propriétaires qui ont dû emprunter et s’endetter pour l’obtenir.

Jean-Pierre Raynaud, lui, a fait de sa maison une morgue, entièrement carrelée de blanc avec des joints gris noirs, dedans et dehors. Puis il va la démolir en mettant les morceaux dans des seaux chirurgicaux.

Claude Lebigre évoque aussi le travail de la photographe Jacqueline Salmon. Elle montre la prison avec des murs décorés par les prisonniers, ou bruts. Elle a aussi travaillé avec les prisonniers de la prison de Clairvaux sur le lieu de promenade. C'est un triangle cloisonné de très hauts murs. On ne voit que le ciel. Sur ces photos il n'y a pas de personnages. Elle pense que l'architecture parle d'elle-même. Ce sont des photos assez dures.

Brassaï, photographe parisien, a fait une grande série sur les graffiti. On découvre notamment un graffiti de poussin sur un mur gris.
Il a aussi fait des photos couleur de lèpre de murs. Il a saisi la beauté dans la dégradation des murs, donnant des formes propices à l'imagination.
Un artiste a photographié le mur de son atelier qui réagit à l'humidité créant des paysages dessinés par les changements de teinte.

Samuel Buckman, artiste caennais, a photographié un tag sur un chantier qui dit "mort aux mondes" au pluriel. Cette orthographe pose question : quels sont donc ces mondes?

Claude nous présente également un tableau d’Antoni Tàpies de 1963.
L’artiste a grandi sous Franco. Il va faire en sorte que sa peinture devienne le mur. Il va ainsi faire des expérimentations avec les matières. Sur la toile, il pose des poudres de pierre, des liants et de l'huile. Cela donne un grand triangle qu'il a scarifié. La couleur est brune comme le cuir, d’aspect lisse et rugueux, un peu comme du chocolat. Il va aussi utiliser la terre chamottée, cuite, parfois émaillée. Le mur ainsi construit est composé de carreaux de 40 par 40 cm. Le tableau est constitué de 36 carreaux, soit 6 par 9.

Notre conférencière nous explique ensuite une installation de Daniel Pommereulle. Cet artiste a beaucoup travaillé sur le danger. Ici, il a installé, au fond de la pièce, une stèle en marbre. Le marbre est vert pour le socle et la grande stèle est faite de marbre noir avec des éclats blancs.
L’œuvre mesure 4 mètres de haut et pèse 4,5 tonnes. Les éclats blancs représentent la constellation qu'on voit dans le ciel d’Antarctique.
Ces éclats sont réalisés en fait par des couteaux: 450 couteaux plantés dans le marbre, dirigés vers le spectateur.

Puis la conférencière nous entraîne à l’extérieur, dans le parc du château, où d’autres œuvres nous attendent. Elle nous présente notamment une œuvre du danois Per Kirkeby, mort début juin 2018. Il s’agit d’une réactivation. C’est-à-dire que l’artiste a permis de refaire une œuvre telle qu’il l’avait conçue. Ici, Bouygues étant mécène de cette exposition, c’est un maçon de cette entreprise qui a remonté l'œuvre. Le maçon a pu choisir la couleur de la brique et du joint. Il s’agit d’une toute petite construction, comme une cheminée ouverte sur sa hauteur, une sorte de petite niche, sans toit.

La dernière œuvre que nous fait découvrir Claude est de Mona Hatoum. Intitulée « jardin suspendu », il s’agit également d’une réactivation. Entre l'église Saint-Georges et la salle de l'échiquier se dresse une barricade faite de sacs de terre, comme un mur. Dans les sacs de jute, de la terre avec des graines. A travers la toile de jute, poussent de l'herbe, des pâquerettes, du trèfle...
C'est une construction qui a été réalisée avec les élèves du lycée Laplace. Plus de 400 sacs ont été remplis et empilés.

C’était une belle découverte sur un sujet inattendu : le mur comme sujet artistique. Merci à Claude qui, une nouvelle fois, a su nous dresser le portrait d’œuvres très variées et étonnantes.

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 27 juin 2018.

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