Visite descriptive du 24 mai au musée des Beaux-Arts de Caen
Le samedi 24 mai 2014, nous avons assisté à la dernière visite descriptive de la saison 2013-2014 organisée par le musée des Beaux-Arts en collaboration avec l'association Cécitix. L'œuvre choisie pour clore cette saison est un tableau de Johan Moreelse qui s'intitule « Marie-Madeleine pénitente ».
Pascale Fiszlewicz nous accueille dans le hall du musée et en profite pour nous signaler la valeur de l'œuvre proposée pour cette visite. En effet, ce tableau est l'une des pièces maîtresses du musée. Pour preuve, elle nous indique que, à l'entrée, les visiteurs sont accueillis par un poster d'environ deux mètres sur trois qui reproduit le visage de Marie-Madeleine représentée sur le tableau.
Ensuite Pascale nous guide vers l'œuvre originale. Après avoir pénétré plus en profondeur dans le musée, nous arrivons dans une pièce où le plafond est moins haut que dans les autres espaces. Elle est éclairée par des fenêtres à petit carreaux qui se trouvent derrière nous, donnant sur une vue printanière qui rappelle la couleur verte des murs qui nous entourent.
L'œuvre qui se trouve en face de nous est très simple, mais d'une simplicité toute en émotion. Une simplicité qui exprime une multitude de messages, qui peut nous faire méditer pendant plusieurs heures.
C'est une oeuvre typique du dix-septième siècle, un siècle qui fut très religieux. En Hollande à cette époque la religion protestante dominait, exception faite de la ville d'Utresche bien ancrée dans la religion catholique.
Le visage de Marie-Madeleine ici représente la vanité, comme les catholiques la représentent le plus souvent. Elle laisse tomber ses richesses, ses beaux vêtements, le plaisir des sens pour s'occuper de son salut dans l'au-delà après la mort. Elle sert d'exemple à la reconversion grâce à son acte de pénitence.
Le peintre, Johan Moreelse, est le fils de Paulus Moreelse qui fut un grand portraitiste. Cet artiste ne vivra pas très longtemps car il sera emporté par la peste à un peu plus de trente ans en 1634. Né en 1603, il fera un voyage à Rome en 1627 où il a probablement été en contact avec la peinture de Caravage. Le catalogue de ses œuvres a été établi dans les années 1990 et seules 14 œuvres ont pu être répertoriées.
Le tableau que nous décrit Pascale est une toile au format paysage de 58 centimètres sur 73, peinte à l'huile sur bois en 1630. Il représente Marie-Madeleine à mi-corps, grandeur nature. Elle est dépouillée de tout artifice, pratiquement nue, et seul un drapé la recouvre. Le peintre nous fait bien sentir son renoncement aux plaisirs des sens et à toute richesse.
Le tiers inférieur du tableau représente une table sur laquelle est posé un crâne qui sert de pupitre à un livre que nous imaginons religieux.
Cette table occupe presque toute la partie inférieure du tableau mais un espace la sépare du bord inférieure, ce qui donne une œuvre bien équilibrée. Son plateau est de couleur ocre, tirant vers le gris. Sa partie gauche est placée dans l'ombre. C'est à cet endroit que le crâne est posé. Dans le tiers médian, du crâne jusqu'au coude de Marie-Madeleine, se déploient les pages blanches du livre. Cet espace est modulé dans des tons beaucoup plus clair car il reçoit de la lumière. Le dernier tiers sur la droite correspond au drapé qui protège le bas du dos de Marie-Madeleine. Il se trouve derrière la table. Celle-ci a une couleur un peu différente et est plus haute que dans la partie qui vient d'être décrite.
Juste au-dessus de la table, se trouve le crâne, le livre et les mains, l'avant-bras et le bras de Marie-Madeleine. Le crâne est posé sur son côté gauche. Il a un grand front et une suture dans la partie supérieure, là où il reçoit un grand trait de lumière projetée depuis une oblique venant de la droite. Cette lumière éclaire également le maxillaire droit ainsi que les os du nez. L'emplacement de son oreille droite ainsi que les cavités des yeux forment des trous noirs, symbolisant la disparition totale des cinq sens. Ce crâne est recouvert par un livre. La pliure de ce dernier se trouve au niveau de l'emplacement de l'oreille avec, à gauche les pages du livre dans l'obscurité, et l'autre partie recouvrant la boîte crânienne. Le blanc des pages recouvrant l'emplacement du cerveau symbolise l'esprit toujours présent.
Marie-Madeleine s'appuie à ce livre, elle serre les mains au dessus comme pour lutter contre la mort. Son avant bras forme une diagonale dans le tableau. Il est bien dessiné par la lumière, formant une ombre grise très droite, avec la lumière de part et d'autre de cette ombre. Ses mains ont une position peu courante car ses doigts ne sont pas croisés comme pour une prière. Ici, seul le petit doigt de la main gauche est glissé entre l'index et l'auriculaire de la main droite. Sous ses mains nous pouvons voir des pages du livres plus ou moins éclairées par la lumière ou baignant dans l'obscurité. Son bras remonte vers son épaule, formant un angle d'environ 30° avec son avant bras.
Nous pouvons remarquer que le peintre, dans ce tableau, a joué avec la matière puisqu'on y trouve à la fois de l'os, du papier et de la chair et pour terminer du tissu dans la partie droite de la toile. Ce textile est le drapé recouvrant le corps de Marie-Madeleine. Il est de couleur parme foncé. Il forme une courbe rappelant la pliure du bras de la femme. Il a plusieurs plis exposés au jeu de l'ombre et de la lumière. Parfois ce tissu est parme très clair et parfois il devient presque noir suivant la luminosité qu'il reçoit. Nous pouvons remarquer également que la poitrine de Marie-Madeleine ne se voit presque pas, protégée par une douce obscurité.
Enfin, pour terminer cette partie, nous pouvons noter que la longue et célèbre chevelure de la repentante repose sur sa main droite, puis vient se perdre dans l'obscurité totale du côté gauche du tableau.
Ensuite Pascale nous décrit la moitié supérieure de la toile, consacrée au visage de Marie-Madeleine sur un fond plutôt clair. Ce sera une innovation de la part de Johan Moreelse de peindre sur un fond clair. Il sera suivi plus tard par d'autres artistes, notamment par les peintres Fabricius et Verneer.
Le visage de Marie-Madeleine se tourne de trois quart vers l'arrière, vers la lumière venant de l'angle supérieur droit de la toile. Cet instant de recueillement mystique est parfaitement représenté dans ce tableau. Johan Moreelse a su retenir un instant de grâce retenue donnant ainsi une sensualité mystique de toute beauté à son œuvre.
Les sourcils de la femme sont légèrement froncés. Elle a également une petite contraction du côté de l'œil droit au niveau du front. Elle a de très beaux yeux avec des pupilles très foncées. La position de sa tête a permis au peintre de ne pas faire dépasser son nez de sa joue. Cette dernière est de couleur rose, donnant de la vie au personnage, ce qui tranche avec le crâne représentant la mort.
Marie-Madeleine a une très belle bouche vermeille légèrement ouverte sur l'éternité. Elle est coiffée avec une raie au milieu laissant tomber ses longs cheveux de chaque côté de son visage.
Ce tableau, malgré sa simplicité, se caractérise par cette intense expression de cette jeune femme qui est saisie par la lumière et la grâce à un instant précis de sa vie.
Un grand merci à Pascale pour avoir su aussi bien nous faire ressentir toute la beauté de ce tableau. Malgré la sobriété de son contenu elle a réussi à en extraire toute sa puissance et toute sa spiritualité pour nous la faire partager.
Nous nous quittons après avoir été questionnés par Anne-Sophie Bertrand afin de connaître nos désirs pour les nouvelles descriptions de la prochaine saison.
Rédigé par Nicolas Fortin, le 30 mai 2014.
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