Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux-Arts du samedi 5 avril 2014
Le samedi 5 avril, une nouvelle visite descriptive a été organisée par le musée des Beaux-Arts de Caen en collaboration avec l'association Cécitix. Une fois n'est pas coutume, cette visite était consacrée, non pas à une peinture, mais à une exposition de sculptures. En effet, le musée des Beaux-Arts a présenté au public une grande exposition temporaire intitulée « Parcours croisés », réalisée par le sculpteur contemporain Alain Kirili.
C'est Madame Claude Lebigre qui nous présente cette exposition. La première partie de la visite nous emmène à l'extérieur, à la découverte d'œuvres en pierre. La première sculpture que nous avons pu toucher est travaillée dans de la pierre de Bourgogne. L'artiste utilisant des formes organiques, nous avons l'impression de toucher des faucilles par endroit. Et à d'autres endroits nous touchons une pierre très lisse, travaillée au polissage. Ces sculptures sont posées sur un socle, leur donnant de l'horizontalité en plus de la verticalité. Elles sont au nombre de trois dans le parc. Elles font penser à des totems.
Ensuite, nous revenons à l'intérieur du musée et nous nous installons afin que Claude nous présente Alain Kirili et son épouse, Ariane Lopez-Huici. Cette dernière, photographe, est également exposée dans ce musée.
Le sculpteur est né en 1946. Il vit et travaille à Paris ainsi qu'à New York avec son épouse. Il expose pour la première fois à Paris à la galerie Sonnabend en 1972. A cette époque, il est totalement dans l'art conceptuel : il commence à forger de fine barre de fer et des plaques, faisant penser à des cartels qui permettent de rompre l'espace, tel qu'il les place sur le sol ou sur un mur.
Alain Kirili est plus connu en France qu'aux Etats-Unis contrairement à sa femme Ariane. Ils vivent dans un loft à New York et dans une maison à Paris. Ils se nourrissent de nombreux voyages, notamment un voyage en Inde à la fin des années 70. Là, l'artiste redécouvrira un élément essentiel de la sculpture indienne où le sexe féminin est représenté épuré de forme, il sert souvent de socle à des oeuvres. Pour lui c'est l'assise de la spiritualité, le mélange de l'âme et du corps. Un autre continent sera également une source d'inspiration pour lui, c'est l'Afrique. Il constate notamment que les forgerons y ont un statut un peu spécial : ils sont considérés comme des sorciers.
Claude nous invite à venir toucher un totem réalisé en fer forgé. C'est une plaque de fer torsionée par la forge. Elle est soudée sur un socle et elle est de couleur rouille car elle est oxydée par des acides. Le sculpteur a travaillé le modelage, le fer forgé et le fer martelé, ainsi que des alliages autres que le bronze, ou encore l'aluminium, qui l'intéresse depuis les années 80. C'est à cette époque qu'il réalise son œuvre appelée commandement qui comprend 27 pièces. Selon Edmund White, dans son livre « Les commandements, fontes mystiques », ces sculptures ressemblent à des alphabets abstraits. Nous retrouvons ici l'échange entre la sculpture et la littérature qui lui tient à cœur. Le couple est d'ailleurs très ami avec les écrivains Philippe Sollers et Julia Kristeva, et ils font partie du groupe « tel quel ».
Ensuite, nous allons toucher une œuvre en fer, martelée puis oxydée, et enfin recouverte d'huile de lin pour lui donner une patine un peu poisseuse, peut-être pour rappeler les sculptures africaines qui ont un côté magique. Cette forme est grande car elle mesure pratiquement 3 mètres. Elle se répète à partir d'une plaque à la base puis elle donne l'impression de se déployer comme une algue.
L'œuvre suivante est une barre de fer pliée. Elle a été forcée, contrainte à être pliée. Nous pouvons imaginer qu'elle représente un corps de façon abstraite grâce à une sorte de tête et de fesses qui ressortent de cette barre forgée.
Puis nous allons voir un bloc de métal qui se divise en trois blocs déchiquetés, l'un au-dessus de l'autre. Il fait également penser à un personnage avec ses deux bras horizontaux, mais qui ne sont pas placés à la même hauteur le long de la barre centrale. Le métal est découpé au chalumeau. L'oeuvre a été réalisée en 1991 et elle n'a pas été nommée.
Nous poursuivons notre visite en allant toucher un grand socle ou sont placées de nombreuses petites sculptures. Cette œuvre se nomme méditation. Ces figurines peuvent faire penser à des moines qui se tournent le dos, avec leurs têtes le plus souvent inclinées comme pour méditer.
Après cette intermède méditatif nous nous rendons vers une sculpture plus grande, avec du fil de fer qui fait une ombre portée, comme un graphique.
Nous sommes à mi chemin de quatre grands dessins exécutés très rapidement au fusain et d'une collection de photos réalisées par sa femme. Ces clichés représentent des nus féminins à partir de modèles obèses. Ce sont des femmes qui ont choisi de se montrer telles qu'elles sont réellement. L'une d'entre elles est magnifique malgré le fait qu'il ne lui reste qu'un seul bras pour tout membre.
La sculpture qui suit s'appelle Aria. L'artiste a utilisé le verre qui forme comme une bille de couleur qui aurait été aplatie et qui lance des reflets. Nous pouvons voir un contraste entre cette bille de verre, le fil de fer et le fil électrique. Nous sentons l'intérêt qu'Alain Kirili porte au recyclage d'objets qui ne sont plus utiles sous leur forme première. Cette œuvre est attachée au plafond à l'aide d'un fil de pêche. Nous pouvons la toucher mais avec beaucoup de délicatesse.
Ensuite, Claude nous présente un marbre de carrare, un marbre superbe très pur, très blanc sur lequel sont posées des sculptures en fer forgé.
Nous terminons la visite auprès d'une grande colonne carrée en aluminium qui se termine en forme de fleur d'artichaut. Se résultat a été obtenu par l'action du feu sur ce métal. Cette sculpture s'appelle « Un Roi ».
En retournant vers la sortie, Claude nous montre deux blocs de terre granuleuse. C'est la conjugaison de deux couleurs qui crée des masses. Nous avons une masse grise et une masse blanche. Cette terre invite à la création, au modelage d'objets comme le ferait un potier.
L'œuvre d'Alain Kirili est très graphique et en même temps très physique car souvent l'artiste utilise la force, la spontanéité. Nous retrouvons dans ses sculptures beaucoup de rappels au corps, au couple, à la sexualité et à la jouissance.
Il est toujours très difficile d'imaginer ce que peuvent inspirer des œuvres abstraites lorsque nous ne les voyons pas. Cependant, grâce aux explications très claires de Claude nous avons pu pénétrer dans l'univers de l'artiste. Je profite de ce compte-rendu pour l'en remercier.
Rédigé par Nicolas Fortin, le 21 avril 2014.
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