Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux Arts de Caen du samedi 19 novembre 2011
Après une petite incursion dans le monde de l'art plastique contemporain avec la visite de l'exposition consacrée à Frédérique Lucien au mois de septembre dernier, le musée des Beaux-Arts de Caen nous a proposé pour cette deuxième visite de la saison une œuvre plus classique puisqu'il s'agit d'une peinture de Paolo Véronèse intitulée « Judith et Holopherne ".
Pascale FISZLEWICZ nous a accueillis puis accompagnés dans la salle consacrée aux œuvres du 16ème siècle vénitien. Avant d'entamer la description de l'œuvre elle-même, elle nous a dressé un rapide portrait de l'artiste. Véronèse est né en 1528 à Vérone, ville qui lui donnera son surnom. Après plusieurs séjours dans différentes villes d'Italie, il s'installera à Venise en 1553. C'est à partir de cette époque que les commandes officielles deviennent nombreuses. Il réalise notamment les fresques du palais des Doges en compagnie d'autres peintres et une multitude de retables dans des églises.
Paolo Caliari dit Véronèse est un peintre baroque de l'école des maniéristes. Il formera avec Titien et le Tintoret le trio de tête des peintres Vénitiens de la renaissance tardive.
Véronèse est un artiste de la couleur. Il fait ressortir l'éclat et l'harmoniedans le jeu des colorations. On notera dans ses principales œuvres « la tentation de Saint-Antoine » et « les noces de Cana ». Ce dernier tableau sera à l'origine de la vocation du peintre Eugène Delacroix.
Pascale nous a ensuite décrit le tableau qui nous était présenté. Il s'agit d'une huile sur toile de 231 sur 273,5 cm. La scène qu'il représente est terrible puisqu'il s'agit de judith venant de trancher la tête du général Holopherne. Voici en quelques mots le récit biblique de cette légende.
Holopherne, général assyrien, et son armée assiègent la ville de Béthulie. Alors que les assiégés envisagent de se rendre, Judith, une jeune veuve très riche et de toute beauté, décide de les sauver. Pour parvenir à ses fins, elle se rend dans le camp ennemi avec sa servante et des cruches de vin. Son intense pouvoir de séduction ensorcelle Holopherne qui organise en son honneur un grand banquet. Il invite la belle Judith dans sa tente pour une nuit d'amour. La jeune femme en profite pour l'enivrer encore davantage. Une fois le général couché et hors d'état de se défendre, Judith lui tranche le cou avec son épée. Elle prend alors la tête dans une main pour la mettre dans le sac que lui tend sa servante et s'empresse de la ramener à Béthulie. Le lendemain matin, les assiégeants trouvant leur général mort, sont pris de panique et s'enfuient.
Le tableau représente la scène suivant la décapitation, lorsque Judith tient encore la tête d'Holopherne dégoulinante de sang dans sa main gauche pour la mettre dans le sac que sa servante lui présente. Elle tient la tête tranchée orientée face au public, ce qui permet de voir son nez, son œil gauche légèrement ouvert, le droit restant dans l'ombre. Nous pouvons également apercevoir son oreille gauche.
Judith se tient au centre de la toile. Elle est la parfaite représentation de la femme telle que Véronèse l'a peinte dans tous ses tableaux : une très belle blonde aux courbes gracieuses. Elle a des reflets de perles dans ses cheveux qui donnent à l'œuvre une sensation de l'instant. Elle est vêtue d'une superbe cape orange avec des fils rouges qui évoquent le sang et rappellent le meurtre. Sa robe est mauve avec des reflets jaunes. Judith est baignée dans des ombres oranges et mauves. Son bras est nu car sa manche est remontée. Il est garni d'un splendide bracelet de pierres rouges et brunes. Son chemisier est échancré, dévoilant son épaule et la naissance d'un sein. On remarque également que sa jambe est nue jusqu'au genou et qu'elle porte une chausse orange qui laisse apparaître ses doigts de pied.
La source de lumière qui l'éclaire est projetée sur ses cheveux et son front par la flamme orangée d'un immense chandelier placé dans le tiers droit du tableau. Son visage est terrible voire inquiétant avec son regard sur le côté. Il contraste avec sa grande beauté.
La servante, sur la droite de la toile, est une femme noire. Le peintre lui a donné un aspect rustique, sauvage. Elle esquisse un pas en direction de Judith pour lui approcher le sac qu'elle tient de ses deux mains. Elle porte des chausses vertes, une couleur peu présente dans ce tableau. Son vêtement est de qualité moins riche que celui de sa maîtresse. Il est rayé et de couleur rose blanc aux reflets jaunes. Il laisse apparaître son bras gauche, son épaule et son dos nu. Dans ses cheveux, pas de bijou mais une simple coiffe blanche avec des taches rouges qui viennent dégouliner comme du sang rappelant une fois de plus le drame.
Holopherne, lui, est représenté sur la gauche du tableau. Son bras droit forme une diagonale. L'homme est recouvert d'un drap bordé de dentelle et sa main gauche est juste au-dessus de la main de Judith. La partie haute de son corps est visible. On peut apercevoir son cou tranché et des gouttes de sang sur son thorax. La couverture de son lit est verte et le dessus de lit est de couleur vert clair et vert foncé. Sont également présents près du corps l'épée encore imprégnée du sang du général assyrien et un coussin brodé. A l'extrême gauche de la toile, on remarque la cuirasse du guerrier, de couleur noir avec des grands reflets de lumière blancs bordés d'or avec des petits éléments de rouge. Elle est coiffée d'un casque typique de l'époque contemporaine de l'artiste. Le tableau nous présente également un bouclier et une gouttière de protection pour le bras.
La scène est couronnée par une tenture théâtrale : une grande frise de couleur orange et or traverse le tableau dans sa partie supérieure et retombe avec des petits festons agrémentés de pompons. Evoquant également un décor de théâtre, un rideau, dont un pan rouge orangé et bordé d'or, se perd derrière l'armure. Le fond de la tente est de couleur orange foncé, avec une ouverture sur la nuit de teinte clair bleu pâle afin de faire ressortir les personnages de la scène. La nuit étoilée laisse apparaître au second plan les tentes de l'armée assiégeante et les murs de la ville de Béthulie.
Après quelques questions du public, l'heure est venue de quitter la violence de cette œuvre pour retrouver la sérénité d'une ville en paix.
Rédigé par Nicolas Fortin, le 28 novembre 2011.
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