Parc et jardin du CHÂTEAU DE CANON

XVIII ème Siècle
Monument historique privé

« O rives du Laizon ! Ô champs aimés des cieux,
Que, pour jamais foulant vos prés délicieux,
Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde
Et, connu de vous seul, oublier tout le monde. »

Amis visiteurs, bienvenue à Canon
Présentation générale :
Le domaine de CANON est une propriété privée, habitée encore à ce jour par les descendants de son créateur. Celui-ci, Jean-Baptiste Jacques ELIE de BEAUMONT, né à Carentan en 1732, célèbre avocat au Parlement de Paris, Intendant des Finances du Comte d'Artois (le futur roi Charles X), fervent défenseur de la cause des protestants au 18ème siècle, et grand ami de Voltaire, notamment après ses succès dans les fameuses affaires CALAS et SIRVEN, a marqué de son esprit et de sa personnalité l'ensemble architectural et paysager que vous allez parcourir.

Domaine conservé intact depuis cette seconde moitié du 18ème siècle, sans ajout aucun, CANON constitue un parfait témoin de ce « Siècle des Lumières », ce qui a motivé son classement intégral au titre des Monuments Historiques, tant pour l'ensemble bâti, château et dépendances, que pour ses abords, parcs, jardins, fabriques, avenues etc...

Le parc de Canon dont les travaux engagés par J.B ELIE de BEAUMONT débutent en 1768 présentes deux caractéristiques majeures de grand intérêt :
- En premier lieu, Canon est un jardin dit « jardin de transition » en raison des deux styles paysagers qui s'y côtoient :
- L'ordonnancement à la française, au classicisme alors déclinant,
- Les compositions ou arrangements irréguliers dits « à l'anglaise », très à la mode de cette époque.

C'est ainsi qu'aux abords du château et dans les grandes perspectives l'entourant, on observe de grandes allées symétriques, des parterres réguliers, une pièce d'eau pour le reflet parfait de l'édifice, des grandes avenues rectilignes bordées de tilleuls et marronniers.
Au cours de la promenade, on découvre néanmoins progressivement, à l'intérieur de ce dessin classique, la fantaisie d'un tracé irrégulier constitué de petits sentiers sinueux, bosquets touffus, petites mares, ruisseaux, canaux et cascades... fruits d'une toute autre conception, celle d'une nature qui doit « s'exprimer » et au sein de laquelle la main de l'homme se fait alors plus discrète.

- La seconde particularité du parc réside dans la présence de « fabriques », ces petits monuments de fantaisie qu'il était à l'époque très en vogue de bâtir au milieu de la verdure. Ces édifices sont très fragiles, faisant de CANON un des rares parcs à les avoirs concervés.
Ces édifices ainsi appelés « fabriques » car « construits de la main de l'homme dans la nature » connurent un immense succès étroitement lié à l'influence des philosophes comme à l'inspiration de nombreux peintres tels Hubert Robert, Watteau...
Cet engouement pour ces constructions de fantaisie procède également d'une révolution dans l'art des jardins, ces derniers incarnant alors de véritables « faits de civilisation » échappant au pur pittoresque ou décoratif pour devenir reflet de toute une époque. Le jardin devient alors miroir d'idées neuves issues de récentes découvertes de l'Histoire, de la Géographie, de la Science, de l'Economie, etc... espaces de liberté ouverts aux élans de la sensibilité, où peuvent fleurir les utopies chères aux philosophes CANON reflète parfaitement ce mode paysager de la fin du 18ème siècle.

Quête d'exotisme (le kiosque chinois), d'évocations mythologiques (statues en marbre de Carrare représentant des personnages de la Comédie italienne ou de la mythologie...), d'Antiquité (ruines néo-classiques, temple grec...), nombreux en sont ici les témoins permettant d'imaginer l'atmosphère des « fêtes galantes » de Watteau ou les écrits de J.J. Rousseau...

Cet « esprit » de la seconde moitié du 18ème siècle justifie que le visiteur y consacre un temps suffisant faisant de sa promenade une véritable « flânerie ».
Ces particularités paysagères du parc (superficie d'environ 12 ha) ont été fortement influencées par les nombreux voyages que fit J.B ELIE de BEAUMONT en Angleterre, accompagné par son ami le célèbre jardiniste Horace WALPOLE, notamment à STOWE, WINDSOR, KEW... et autres lieux de réalisations d'artistes paysagers comme CHAMBERS .

Historique
La seigneurie de Canon, propriété d'EUDES de CANON au Moyen-âge, passe ensuite par le jeu d'alliances et de successions, notamment aux familles FRANQUEVILLE (XVème siècle), SARCILLY (XVIème siècle), LE SUEUR puis ç THOMAS de BERENGER en 1689, dont il reste dans le parc un vestige du château. Son fils, ROBERT de BERENGER, protestant, fuit le régime et part se réfugier en Angleterre, vendant Canon à vil prix, en 1727, à un sieur de LA ROCQUE, fortuné Receveur des Tailles de Valognes, qui construit alors une nouvelle demeure (château mansardé sans étage), creuse la pièce d'eau et commence à planter les avenues.

Jean-Baptiste ELIE de BEAUMONT épouse en 1760 Anne Louise MORIN du MESNIL, seule héritière de la famille de BERENGER, et s'intéresse alors en qualité d'avocat aux conditions critiquables de la vente de CANON menée en 1727.
Après une très longue procédure, à laquelle s'intéresse de près son ami Voltaire, il gagne le procès devant le Conseil des Dépêches en 1768 et engage alors immédiatement d'immenses travaux qui le ruineront. Après remboursement à LA ROCQUE des dépenses faites par celui-ci, J.B. ELIE de BEAUMONT supprime le toit mansardé et fait édifier un étage, surmonté d'un décor de balustres à l'italienne et orné de vases sculptés, le tout cachant une toiture d'ardoises.

Les précieuses archives conservées dans le « chartrier » de Canon permettent de connaître tous les détails des travaux réalisés de 1768 à 1786, notamment par les nombreuses lettres que l'avocat adressait à son intendant Eutrope SERAIN, depuis Paris où le retenaient ses plaidoiries.
SERAIN mènera ainsi à bien les transformations du château, les diverses constructions des dépendances et fabriques et la création du parc, sous les instructions précises de l'avocat qui y enverra des maîtres de qualité. Utilisant la pierre blonde calcaire de Quilly et le sable de mer pour « rustiquer » les façades, plus de 30 ouvriers travailleront quotidiennement sur place durant dix années.

J.B. ELIE de BEAUMONT commandera lui-même aux pépinières d'Harcourt les innombrables arbres d'essences variées qui orneront le parc, cherchant toujours des contrastes de couleurs en toutes saisons ; il sera attentif en outre aux « bruits de la nature » ou aux effets de perspectives. Il attachera également beaucoup d'importance à ses « fruitiers », dénommés « Chartreuses », ces treize jardins clos de murs et reliés par une enfilade d'ouvertures en plein cintre, dont il établira lui-même les plans. Il souhaitera venir s'y reposer pour oublier son activité trépidante et, selon ses correspondances, s'y délasser quelques jours et « ne pas même ouvrir un livre » ...

Enfin Monsieur et Madame ELIE de BEAUMONT créaient en 1775 la célèbre « fête des Bonnes Gens », grande célébration de la Vertu, deux jours de fête durant lesquels sont couronnés ici la Bonne Mère, le Bon Vieillard, le Bon chef de Famille et la Rosière, élus au suffrage universel parmi les habitants de Canon, Mézidon et Vieux-Fumé. De nombreux souvenirs de cette fête, qui rassemblait des milliers de personnes chaque année, entre le château, l'église et l'abbaye de Sainte Barbe de Mézidon, sont conservés dans les salons du château.
Une partie importante des dépendances, au Nord, était consacrée à cette manifestation, par l'aménagement d'une grande salle de théâtre dite « salle des Rosières » ; les motifs sculptés de la façade Est du château en portent également témoignage. ...

En 1783, sa chère épouse qui a tant contribué à la création et à l'administration de son petit royaume, et auteur des fameuses « Lettres du Marquis de Rosel » meurt, le laissant désespéré. Dès lors, il ne vient plus guère à Canon et hâte la fin des travaux qu'il finance de plus en plus difficilement. Après avoir écrit «Canon est un cancer qui me ronge », il meurt très endetté en 1786, laissant un fils de 13 ans, Armand, dont le célèbre avocat TARGET sera le tuteur .
Ainsi le domaine créé, respecté et entretenu par la famille ELIE de BEAUMONT parviendra presque intact à leurs descendants actuels malgré les révolutions, guerres et autres événements.

Très apprécié dans la région, J.B. ELIE de BEAUMONT évitera au domaine de Canon les désordres de la Révolution.
En revanche, Canon souffrira gravement de la dernière guerre qui verra s'installer au sein même du château, un hôpital allemand en juin 1944, puis les troupes d'une division de chars Panzers que les frondaisons des arbres bicentenaires protégeaient efficacement du repérage des avions alliés.

Si les Beaux-Arts reconstruiront parfaitement, dans le cadre des dommages de guerre, la ferme du Nord victime d'une bombe américaine, il n'en sera pas de même pour les autres dépendances qui subirent en outre en 1945 une réquisition pour y loger des réfugiés travaillant à la restauration des voies ferrées de la région.
Privées de dommages de guerre faute d'identification des très graves dégradations constatées (occupants ou réfugiés ?), les vastes dépendances sont depuis cette époque très dégradées et des restaurations progressives sont chaque année mise en œuvre.

Si le château lui-même est de dimensions modestes, les dépendances, doublées de chaque côté par une grande cour, sont considérables. Elles représentent à elles seules plus d'un hectare de toiture. Alors que ces charges écrasantes sont très difficiles à supporter, le parc fut ravagé par plusieurs tempêtes, notamment celle d'Octobre 1987, pui en 1990 et en 1992, et enfin par le dévastateur ouragan du 26 décembre 1999. Des centaines d'arbres plus que bicentenaires sont ainsi tombés, défigurant hélas pour des décennies certaines allées du parc connues pour leurs voûtes végétales qu'un siècle ne suffira pas à reconstituer.

Enfin, cette architecture d'arbres et de pierres et toujours de plus en plus encerclée par le béton de l'agglomération qui menace gravement CANON d'étouffement.
Seule la vigilance de tous empêchera de porter atteinte aux charmes de ce rare témoin du 18ème siècle.

Suivre le parcours fléché
(Notamment en raison des dégâts de la tempête, le parcours peut-être provisoirement modifié à certains endroits) Il commence par la salle d'accueil, qui a successivement servi d'écurie, puis de laverie et enfin de laiterie

***A suivre***