Un Tramway nommé "désir"
Dans le cadre du projet de tramway sur fer à Caen prévu pour le milieu 2019, les membres de la CIAPH (Commission Intercommunale d’Accessibilité aux Personnes Handicapées) étaient conviés, le 16 mars dernier, à une visite du tramway du Havre mis en service le 12 décembre 2012.
Pourquoi Le Havre ?
Pour des raisons de proximité géographique et aussi parce qu'il s'agit sans doute, même si le matériel roulant n'est pas encore choisi, du type de rames qui sera mis en place sur le circuit caennais.
Le remplacement du TVR est dans les cartons depuis quelques années. Il a donné lieu à une réflexion concernant la nouvelle ligne, se portant d'abord sur une irrigation Est-Ouest, puis finalement arrêtée à un complément de desserte du centre-ville (tronçon allant vers le théâtre) et d'une desserte de la Presqu'île.
Nous avons été accueillis par l’un des vice-présidents de la CODAH (Communauté de l'Agglomération Havraise), en charge des transports. Puis le Directeur de la CTPO (Compagnie des Transports de la Porte Océane) filiale de Transdev (exploitant du réseau havrais), nous a présenté l'historique et la mise en place du tramway de cette ville.
Nous ont ensuite été décrits les aménagements concernant l'accessibilité.
Le matériel roulant est de marque Alsthom et de type Citadis 302, modèle que l'on retrouve dans beaucoup de villes (comme à Angers par exemple, mis en service en 2011).
La rame se compose de cinq modules et est d'une longueur totale de 32,50 mètres. En comparaison le TVR actuel est long de 24 mètres.
La capacité est de 210 passagers tandis que notre TVR ne peut accueillir que 128 usagers.
Passons sur les autres chiffres et venons-en à l'accessibilité. A entendre les explications des responsables du transport Havrais, tout va pour le mieux dans le meilleur des tramways. Mais la visite en mode commercial que nous avons effectuée ensuite a montré un grand décalage entre les discours et la réalité.
- Les quais : il s'agit de véritables quais de type SNCF qui comportent donc une bande de vigilance longeant le bord du quai. Celui que nous avons pu observer est de grande largeur et, sous l'abri, est apposée une plaque comportant le nom de la station en Braille faisant pendant à celle en noir. Selon nous, ce détail n’est pas forcément nécessaire mais il fait plaisir : le Braille présent est toujours une bonne chose).
Normalement les quais, comme à Angers, Strasbourg ou ailleurs (norme oblige) sont sonorisés et un certain nombre d'informations peuvent être obtenues à l'aide de la télécommande utilisée pour les feux tricolores. Des informations devraient être ajoutées, accessibles par Smartphone.
- Pour l'instant, sur le quai, aucun marquage au sol n'a été installé pour indiquer l'emplacement des portes alors que c'est le cas pour les bus de la communauté havraise. Pour le marquage à venir, sont envisagés des clous disposés en triangle. On trouve ce genre d'équipement, sous une autre forme, sur le tramway d'Angers notamment.
- La rame : elle dispose de portes à double ventail permettant un accès plus aisé aux fauteuils roulants. Un bip indique leur ouverture ou leur fermeture.
Mais les usagers de ce modèle de rame ont signalé la difficulté pour trouver la commande d'ouverture de porte à l'extérieur.
Normalement, une synthèse vocale de type texte/to/Speech informe des arrêts. Malheureusement nous n'avons pu en vérifier l'efficacité, celle-ci étant inaudible. Il y aurait un seul message indiquant l'arrêt alors que dans d'autres villes, la sonorisation, souvent en voix naturelle enregistrée, émet deux messages : "prochain arrêt X", un peu avant l'arrivée en station puis "arrêt X", lorsque l'on est en station. De plus, assez souvent, le message parlé est précédé d'un signal sonore d'alerte qui peut signifier, "votre attention s'il vous plaît". Pourquoi une voix synthétique plutôt qu'une voix naturelle ? Je n'ai pas de réponse à cette question.
Concernant les fauteuils roulants, il faut signaler la hauteur de plancher d'entrée dans le tramway, fixée à 4 centimètres. Même si la norme réglementaire est de 5 centimètres, l'abaissement à 4 centimètres a été considéré par les représentants des handicapés moteurs, comme encore trop important, surtout pour les personnes trop faibles pour pouvoir tirer sur leurs bras. Le tripode permettant aux usagers de se tenir, placé face à la porte, semble aussi gêner la circulation des fauteuils. Enfin rien n'est prévu pour que les fauteuils puissent être bloqués, ce qui suppose de la part de leurs propriétaires la nécessité de s'accrocher à une barre. Là aussi, le problème d’une personne souffrant de faiblesse des bras a été souligné.
Concernant les sourds et malentendants, il a été constaté l'absence de boucle magnétique à l'intérieur de la rame, ce qui pourtant permettrait de compenser le niveau sonore parfois trop faible de l’annonce vocale pour les porteurs de prothèses auditives.
Aux remarques que nous avons pu faire, il nous a été répondu que les personnes handicapées de la communauté havraise semblaient satisfaites.
En conclusion : ce genre de visite est très instructif, à la fois pour les techniciens et les élus de l'agglomération Caen la Mer qui ont pu voir un certain nombre d'éléments à prendre en compte et pour les représentants des associations qui ont bien compris qu'il faudrait maintenir un haut niveau d'exigence et de vigilance pour aboutir à une accessibilité la plus universelle possible. L’expérience que nous avons acquise avec le chantier du TVR doit pouvoir aider dans ce sens.
Rédigé par Jean Poitevin, le 23 mars 2016.
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