Solidarité sur les mots et leur sens, en matière de handicap aujourd'hui

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Les mots, dit-on, sont le reflet de la réalité mais ils sont aussi créateurs d'une réalité nouvelle.

Or on remarque que les mots et les expressions changent . Pourquoi ?
D'abord je dirai qu'ils reflètent nos perceptions de la réalité, donc il y a des choix de mots en fonction des vécus -comme on dit-. Les mots mort, vieux aveugles invalide ou infirmeparaissent triviaux, pas convenables.. C'est de l'ordre des convenances et du choix de chacun. A vrai dire, cela ne change rien à ces réalités que de les nommer autrement.

Ensuite le vocabulaire s'est enrichi : il est plus précis, plus scientifique.
Une autre raison importante est l'évolution dans l'histoire des attitudes et des prises en compte du handicap :

Lorsqu'on a ajouté au mot handicapé celui de personne cela signifiait que l'on prenait en compte la personnalité, les capacités, les désirs et les projets. L'infirmité n'était plus un écran ni un écrin, limitant les relations , programmant l'intégration, le mode d'existence.

Aujourd'hui apparaît L'expression "personne en situation de handicap" ; elle introduit l'idée de l'environnement qui par sa configuration aggrave les incapacités. C'est la fameuse accessibilité devenue obligatoire pour que tout un chacun soit "égal en droits et en chances" comme dit la loi.
Mais voilà la fragilité des mots : certains aveugles divergent dans l'interprétation de cette expression et redoutent la force de création des mots, création d'une réalité nouvelle ; en effet, l'expression "en situation de handicap" qui frappe par son élaboration peut vouloir dire autre chose car une situation peut désigner un état passager, un moment ou un lieu dans la vie et non toute la vie. Et si les personnes sont dites "en situation de handicap" c'est une minimisation des problèmes Or, Il y a une réalité de l'infirmité qui dure, qui use, avec laquelle il faut coûte que coûte réaliser ses projets ou y renoncer.
Et malheureusement pour nos rêves de toute puissance on ne changera pas la nature de l'infirmité en résolvant une situation problématique.
Il faudrait donc dire pour gagner encore en précision qu'il y a des situations aggravant le handicap et des personnes handicapées.

Donc :on change de regard et de mots mais on ne change pas les maux, m a u x.
Ces changements peuvent être un témoignage de solidarité ou un déni.

Chronique diffusée le mercredi 3 décembre 2005 sur les ondes de RCF
Radio RCF

Rédigé par Caroline Beaujour et Jean Poitevin, le 15 novembre 2005.

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