Compte-rendu de la visite de l'exposition "meeting point wood au musée de Normandie du vendredi 25 novembre 2011.

Histoires de charpentiers Basse-Normandie - Hordaland

L'association Cécitix a organisé, le 25 novembre 2011, une visite de l'exposition « Meeting Point Wood », au musée de Normandie. Cette exposition a été réalisée pour célébrer le 1100ème anniversaire de la Normandie et sa coopération avec le comté norvégien du Hordaland. La Région s'associe au CRÉCET (Centre Régional de Culture Ethnologique et Technique) pour valoriser un patrimoine commun tant naturel que culturel, le bois, à travers ses essences et ses savoir-faire.

Anne-Cécile nous a accueillis puis guidés jusqu'à l'église Saint-Georges où se tient l'exposition. Ensuite, elle nous a fait une petite présentation de la filière du bois en Norvège et dans notre région. Les zones forestières recouvrent 29% de la superficie du territoire français. Cependant, la Basse-Normandie se situe bien en dessous de cette moyenne nationale puisque la forêt n'occupe que 10% de notre territoire. Ce sont pour l'essentiel de petites forêts privées. Elles sont constituées d'environ 80% de feuillus contre 20% de résineux. Ces essences sont utilisées majoritairement comme bois de chauffage, dans la construction, l'ameublement et le papier. La filière bois représente 15 mille emplois, ce qui n'est pas un facteur négligeable de notre économie. Plusieurs grandes villes de Normandie sont les principales importatrices de notre pays. L'entreprise Savare, une vieille famille de Caen qui s'est lancée dans le négoce du bois de père en fils, a marqué l'industrie locale. Elle a été revendue à des norvégiens au cours du siècle dernier puis à des Anglais.

En Norvège, les forêts représentent 39% du territoire. Mais seule la moitié est exploitable en raison des conditions d'accès difficiles de certaines zones, trop élevées ou trop froides. Les essences norvégiennes sont majoritairement composées de pins et de sapins. Le bois issu de ces forêts peut prétendre à l'appellation « bois du nord » réservée au bois qui pousse au-delà du cinquante-septième parallèle. C'est un bois de grande qualité car il pousse très lentement en raison du froid qui sévit sur la région.

L'abattage du bois a tendance à revenir à des méthodes ancestrales telles que le débardage à l'aide de chevaux, plus faciles à conduire au cœur de la forêt et plus écologiques que le tracteur. Anne-cécile nous a également indiqué que la hache, outil du bûcheron par excellence, est toujours très utilisée ainsi que la scie appelée « scie passe-partout » qui date du seizième siècle.

Nous avons ensuite pu découvrir les différentes techniques de construction à base de bois.
La plus ancienne s'appelle « technique du bois debout », et date du néolithique. Elle consiste à aligner des planches à la verticale. Elle se retrouve aussi bien en Norvège qu'en Normandie. Dans notre région l'église de Honfleur par exemple est construite de cette façon ainsi que de nombreuses églises en Norvège.
La technique par empilage, consistant à empiler des planches horizontalement, est beaucoup moins utilisée en France qu'en Norvège à cause de la qualité de notre bois ; elle nécessite parfois de rajouter des rondins pour rehausser la construction lorsque celle-ci s'enfonce dans un sol trop meuble. On peut trouver jusqu'à 7 ou 8 mètres de rondins sous un bâtiment de ce type. La technique par empilage rappelle le jeu de construction des petits chalets qui font la joie des enfants. Nous avons pu toucher une maquette faite avec ce procédé de rondins chevillés permettant de les emboîter entre eux.
La technique du colombage, quant à elle, est pratiquement ignorée en Norvège tandis qu'elle a été très pratiquée en France à partir du quinzième siècle. Les encorbellements ont toutefois été rapidement interdits à cause des trop grands risques d'incendie qu'ils pouvaient provoquer et de l'assombrissement des rues qu'ils entraînaient. Cette technique consiste à mettre du torchis ou des briques entre des poutres espacées. La structure de bois n'est en effet pas autoporteuse. Il existe deux procédés : le pan long, une seule poutre servant pour les deux niveaux de la construction et le pan court, une poutre utilisée pour chaque étage ce qui donnera l'encorbellement.
A cette époque, les charpentiers étaient de vrais dessinateurs. Ils créaient sur le sol ce qui deviendra un bâtiment. L'UNESCO a d'ailleurs classé cet art du trait au patrimoine mondial immatériel.
Nous avons là aussi pu toucher une maquette qui nous permet de mieux comprendre la structure de ce type de construction.
La technique du solin, ou en portique, consiste à placer deux piliers verticaux et une poutre horizontale sans poutre de soutien au milieu ; elle permet de faire des bâtiments de très grande longueur. On a par exemple retrouvé en Norvège un hangar à bateau de 35 mètres de long et dans ce pays, il est prévu de construire une tour qui atteindra 45 mètres de haut. En Normandie, une réunion internationale de charpentiers a eu lieu pour reconstruire une grange dans l'Eure afin de retrouver la technique ancestrale, pratiquement perdue de nos jours. Une fois encore, nous avons pu toucher une belle charpente réduite pour mieux comprendre la structure obtenue par cette méthode.

Enfin, nous avons découvert l'utilisation du bois dans la construction des bateaux. Nous avons pu toucher une chaloupe en modèle réduit, probablement un jouet d'enfant, dont la fabrication a été conçue avec la technique dite « à clin ». Cela consiste a faire recouvrir chaque planche par la précédente et de les river entre elles. Une autre technique appelée « à franc bord » consiste à mettre les planches bord à bord ; elle était utilisée pour les gros bateaux vers la fin du quinzième siècle par exemple pour la caravelle de Christophe colomb.
Il existe deux formes de construction navale : la technique « à quille » utilisée par les Vikings et celle « sur sol » utilisée par les Normands. La première consiste à monter les bords du bateau directement à partir de la quille, tandis que dans la seconde, les bords sont montés sur un fond plat. Nous avons pu constater qu'avec la technique « à quille », le profilé de l'avant de ce type de bateau permet de bien fendre l'eau.
Anne-Cécile nous a expliqué que les mots utilisés dans la navigation proviennent bien souvent de mots scandinaves. Elle nous a également parlé d'une pirogue de 5 6 mètres de long datant du cinquième siècle creusée directement dans le tronc d'un arbre qui a été retrouvée dans les marais de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Malheureusement il ne reste que le fond du bateau, les bords n'ayant pas résisté au passage des siècles.

Notre conférencière nous a fait remarquer le lien qui existe entre ces deux grandes utilisations du bois (charpentes et constructions navales), en prenant pour exemple l'église Saint-Georges où se situe l'exposition. Sa charpente, du quinzième siècle, est en effet de style roman et en forme de bateau renversé ; sa construction a été réalisée par les Anglais. C'est d'ailleurs une technique assez répandue en Angleterre.

Pour terminer la visite de façon poétique, une de nos accompagnatrices nous a lu un des poèmes exposés. Il a été écrit par un paysan poète norvégien du nom de Hauge et est intitulé « tu étais le vent » :
« Je suis un bateau
sans vent.
Tu étais le vent.
Etait-ce le cap que je devais prendre ?
Qui se soucie du cap
quand on a un tel Vent ! »

En sortant de l'exposition, Anne-Cécile nous a permis d'aller voir la grande chaloupe qui se trouve dans la salle de l'échiquier. Sa taille imposante ne permettait pas de la faire entrer dans l'église.

Ce fut une visite très intéressante, et une fois de plus Anne-Cécile a su faire partager sa passion pour les expositions du musée de Normandie.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 30 novembre 2011.

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