Compte-rendu de la visite descriptive au musée de Normandie de l'exposition Caen en images

Le samedi 16 novembre 2019, Simon Lhenri, médiateur du musée de Normandie, proposait une visite les yeux bandés de l'exposition « Caen en image, du 19e siècle à la reconstruction ». Neuf personnes voyantes se sont prêtées au jeu en formant des binômes constitués d'une personne aux yeux bandés et d'un guide. La dixième participante étant moi-même, vous comprendrez bien que je n’ai pas joué le rôle de guide…

Au premier arrêt, Simon demande à une personne qui voit de décrire l'objet devant nous. C'est une peinture, ovale, assez grande, représentant un homme, en tenue bleue, des fleurs de lys, une couronne, un sceptre sur un coussin, des drapés rouges, brodés d'or. D'autres hommes lui tendent des clés. On voit aussi des clochers, un cours d'eau.
C'est une huile sur bois du 17e siècle, qui représente Louis XIII qui se fait remettre les clés de la ville par les échevins.

C'est la première vue de la ville de Caen qu'on reconnaît à ses clochers, ceux de l'Abbaye aux Hommes, de l'Eglise Saint-Jean, le donjon du château et les remparts. On y voit aussi le pont de Vaucelles de l'époque.

L'œuvre suivante a été reproduite en relief. Simon remercie Cécitix de lui avoir donné la possibilité de réaliser plusieurs représentations tactiles. Cette peinture de Nicolas-Marie Ozanne de 1787, figure le port de Caen vu de la Prairie. On y voit à l'arrière-plan la ville qu'on reconnaît aux deux clochers de l'Eglise Saint-Jean : l'un complet et l'autre inachevé. Le premier plan représente un homme avec une brouette. Le tableau montre l'économie locale, les travaux de construction du port.
Nicolas-Marie Ozanne était ingénieur de la Marine et a réalisé des plans du port pour le Roi.

La deuxième œuvre se trouve dans une salle qui rassemble des représentations de la ville vue par les artistes, mais pas forcément des reproductions de la réalité.
On y trouve aussi des photographies. L'exposition a d'ailleurs été composée avec l'ARDI.

Ferdinand Tillard, photographe, s'est installé en 1855 sur l'Eglise Saint-Etienne le Vieux (en face de l'Abbaye aux Hommes) et a fait un tour complet. Il a donc obtenu un panorama. Malheureusement toutes les photos de ce panorama n'ont pas pu être retrouvées.
On reconnaît sur ces photos les Eglises Saint-Nicolas, Saint-Jean, l'Abbaye aux Dames.

Dans le couloir suivant, sont présentés les regards des Anglais sur la ville de Caen.
Les Anglais s'intéressaient à la Normandie en tant que source de leurs origines et de leur histoire.
Ce n'est qu'après les guerres napoléoniennes, vers 1815, que les Anglais viennent à Caen pour dessiner ou peindre la ville, le patrimoine.
Deux lithographies de Richard Parkes Bonington, d'environ 20cm de large par 30cm de haut, représentent la rue Saint-Pierre (Eglise Saint-Sauveur, maisons à colombages). L'artiste y montre en outre les habitants. Les aristocrates anglais terminaient généralement à Caen leur « Grand Tour » et rapportaient en Angleterre leurs dessins.

Nous nous arrêtons ensuite devant une peinture de William Fowler. Elle représente, au fond, l'Eglise Saint-Pierre. Devant et à gauche, on voit les habitations, ainsi qu'une tour très endommagée. Un petit pont en bois enjambe une rivière. L'artiste a représenté des femmes en costumes traditionnels, probablement pas en usage alors. Au fond sont représentées des habitations et de la végétation. Au premier plan, une femme lave son linge.
William Fowler représente beaucoup de végétation alors qu'on est dans le centre-ville, au bord de l'Odon, près de la tour Leroy, plus dégradée ici qu'elle ne l'a jamais été en réalité.
Ce tableau montre l'interprétation que les artistes peuvent faire de ce qu'ils perçoivent de la ville.

Après les Anglais, grâce à la Société des Antiquaires Normands les Français se sont attachés à préserver et représenter leur patrimoine.
La Société des Antiquaires Normands, à l'époque, était une société d'historiens. Elle a réalisé et conservé des plans et dessins de nombreux bâtiments de la ville qui n'existent plus forcément aujourd'hui.

La suite de notre visite nous amène en plein centre de l'exposition. Nous y découvrons trois peintures. La plus grande, au centre, mesure 1,50M de haut par 2,50M de long. Cette œuvre, d'Albert Schwendy, est une huile sur toile de 1783. Elle représente l'Eglise Saint-Pierre, la Petit Orne à ses pieds et une scène de marché sur la gauche.
Albert Schwendy est un peintre allemand qui a fait son « Grand Tour ».
En rentrant, il a peint ce tableau en 1873, alors que la petite Orne était déjà recouverte. Le ciel est très sombre, très tourmenté, donnant un air très romantique.

Les deux autres peintures représentent cette Eglise, sous le même angle. L'une d'elle, de Budin, montre la tour Leroy. C'est ce tableau qui a inspiré Albert Schwendy. La plus réaliste est celle de Victor Théophile Tesnière.
Sur celle de Budin, on voit le pont Saint-Pierre, avec des boutiques dessus, comme à l'époque.

Nous poursuivons par une série de quatre tableaux représentant la ville qui change : des tableaux de Lépine, Tesnière et Géo Lefèvre.
Tesnière représente des canaux avec des bateaux à voile et à moteur.
Stanislas Victor Lépine a fait ses études à Paris, mais est revenu à Caen peindre les activités du port. Le bassin Saint-Pierre avec de nombreux bateaux amarrés. Le bassin était alors un des plus grands ports de commerce.
Il a également représenté le port vu de la presqu'île. Au loin, on voit un bateau et au loin la presqu'île Saint-Jean.
Lépine va inclure de la vie dans ses peintures, avec des travailleurs, comme un bateau retourné en cours de calfatage, qui semble en flammes.

Un autre tableau, de Géo Lefèvre datant de 1905, représente le port moderne avec les gros bateaux à moteur et les travailleurs.

Nous nous arrêtons devant une autre toile de Géo Lefèvre qui représente les toits enneigés de la ville, vus du toit du théâtre, avec au milieu l'Eglise Saint-Jean.
Un autre artiste, Louis Bulot, a représenté la Prairie gelée, avec des patineurs. En esquisse, au fond, on reconnaît les bâtiments de la ville.

Un nouvel arrêt nous permet de découvrir deux autres artistes de l'association des artistes bas-normands.
Edouard Cortès a réalisé une peinture de la rue Ecuyère en 1940. On identifie cette rue à l'abbaye aux Hommes au fond.
Louis-Edouard Garrido, peintre très important pour la ville de Caen, a peint trois tableaux qui représentent la ville. Sur l'un d'eux, on voit, Tout à droite, un mur, avec des arbres, un trottoir, et au fond, l'Abbaye aux Hommes. C'est une vue de la rue Caponnière en 1955.
Garrido était le professeur de dessin du lycée Malherbe. Il a intégré l'association des artistes bas-normands, en est devenu président, puis est devenu conservateur...
Nous sommes alors passés à des représentations des batailles de la libération de la ville en 1944.
Géo Lefèvre et Cortès ont représenté l'Eglise Saint-Jean toute seule au milieu de la presqu'île Saint-Jean, tout autour ayant été détruit.
La reconstruction va laisser plus d'espace autour des Eglises qui deviennent des points de circulation.

Nous nous intéressons ensuite à des œuvres d'Yvonne Guégan. Des aquarelles et fusains presque minimalistes représentent les destructions.
Deux toiles sur Isorel évoquent la bataille de Caen. Des soldats, en bas à gauche, sont en train de tirer. Au milieu, un reste de bâtiment.
Les couleurs sont ternes, grises. Sur la seconde, avec les mêmes couleurs, elle représente un paysage de ruine et des corps décharnés victimes de la bataille.

La dernière œuvre que nous étudions est une photographie de Marguerite Vacher prise en 1966 depuis le clocher Saint-Pierre. On y voit la rue Saint-Pierre, les clochers de Saint-Etienne le Vieux, le Vieux Saint-Sauveur, et le quartier tout neuf et carré des Quatrans.

La ville a décidé de ne pas reconstruire Saint-Etienne le Vieux en mémoire des bombardements. Elle sert de lieu de stockage pour les musées. Mais les fientes de pigeons, toxiques, la rendent impraticable sans équipement.

Marguerite Vacher a été un membre important de l'ARDI (Association régionale pour la diffusion de l'image). Elle a beaucoup photographié la reconstruction.
A côté de cette photographie, on en découvre une autre, de la place Courtonne, avec au fond les hauts fourneaux de la SMN.
Marguerite Vacher a aussi photographié les immeubles de l'avenue du 6 juin, l'Université, le centre administratif.

C’est sur ces dernières images de la ville de Caen que s’est achevée cette visite originale d’une exposition remarquable.

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 8 janvier 2020.

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