Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux Arts de Caen le 9 février 2013

Le samedi 9 février 2013, le musée des Beaux Arts, en collaboration avec Cécitix, proposait une nouvelle visite descriptive autour d'une œuvre des collections. La conférence portait cette fois sur un tableau de Gustave Courbet intitulé « la dame aux bijoux ». Le succès renouvelé de ces visites montre combien le public déficient visuel apprécie les événements culturels adaptés et combien il est important de rendre l'art accessible à tous.

C'est Pascale FISZLEWICZ qui, une fois encore, a su nous faire imaginer de façon très vivante la richesse picturale du tableau présenté. Elle a tout d'abord proposé aux personnes qui le souhaitaient de suivre la description à l'aide d'une représentation en relief.

Puis elle nous a présenté le contexte dans lequel Gustave Courbet a réalisé cette œuvre. C'est l'éclosion d'un nouveau mode d'expression picturale appelé « réalisme ». Ce dernier est né au milieu du XIXe siècle. Jusqu'alors, les peintres ne voyaient pas l'intérêt de représenter la réalité puisqu'il suffisait de regarder autour de soi pour la voir. Mais une certaine lassitude de ce romantisme poussa quelques artistes à contrer de façon radicale l'imaginaire très présent dans la peinture de cette époque, en peignant simplement la réalité telle qu'elle s'offre au regard. Ce fût alors une remarquable évolution que de prendre un modèle et de le reproduire dans toute sa réalité, sans donner dans l'excès du romantisme ou dans l'idéal du néoclassicisme.

Le premier à initier ce mouvement réaliste fut Gustave Courbet (1819-1877), suivi par Jean-François Millet (1814-1875). Ils firent éclore ce mouvement au Salon de 1850 en faisant souffler un vent nouveau dans la peinture.

Pascale FISZLEWICZ a poursuivi cette visite par la description du tableau « la dame aux bijoux ». Réalisé en 1867, il mesure environ 60 centimètres de large sur 80 centimètres de haut. Il représente une très jolie femme seule sur un fond uni de couleur noire marbré de brun. Ces petites touches brunes rendent le tableau « vibrant ». En outre, aucun décor ne vient agrémenter l'oeuvre. Ce dépouillement permet au spectateur de se laisser envoûter par la beauté du modèle.
La femme est représentée à mi corps, pratiquement de profil. Elle est vêtue d'un déshabillé blanc. C'est son profil gauche qu'a peint l'artiste. Cependant on peut apercevoir les cils de son œil droit ainsi que sa paupière qui apparaît comme une ombre. Son buste est positionné de trois quarts. Sa main droite tient le couvercle d'un coffret à bijoux, tandis que sa main gauche prend un collier de perles dans celui-ci.

La femme a la tête légèrement penchée, ce qui lui donne un air très romantique, accentuant encore sa beauté.

Après ce point sur son allure générale, notre conférencière nous entraîne dans une description plus détaillée du modèle. C'est « l'éternel féminin » que Gustave Courbet a représenté, par la grâce de son corps et surtout la magnifique parure qu'est sa chevelure.
En effet, cette femme est dotée d'une chatoyante chevelure rousse, qui fait écho aux reflets bruns du fond du tableau. Du côté droit de son visage, un peu dans l'ombre, elle tombe en grosses boucles sur la naissance de sa poitrine. Du côté gauche, sa coiffure, relevée en chignon, dégage son grand front et laisse apparaître de petits cheveux blonds sur la nuque.
On peut ainsi découvrir la partie inférieure de son oreille, ornée d'une boucle en or dans laquelle est insérée une perle blanche.
On peut noter aussi la perfection du dessin de son arcade sourcilière et la délicatesse de ses cils blondis par le reflet de la lumière. L'ombre sur sa paupière, l'œil à demi ouvert et le regard dirigé vers le bas accentue l'impression de romantisme qui se dégage de cette femme.

Nous nous arrêtons ensuite sur son petit nez, qui lui, est en pleine lumière. Il est très droit, sans défaut. Sa bouche, quant à elle, est légèrement rosée, assez petite, plutôt discrète.
Une ombre voile sa lèvre supérieure. Une autre ombre à la commissure de ses lèvres lui imprime une esquisse de sourire.

Rien ne vient briser la perfection du profil de cette femme. Dans l'ensemble, le tableau est d'ailleurs assez monochrome. Entre le rose de la chair et le brun du fond de la toile, rien n'est fait pour attirer l'œil sur un point précis de cette oeuvre.

Pascale FISZLEWICZ achève la description du visage par le menton, qui semble doublé à cause de l'effet de l'ombre sur sa partie cachée. Une ombre très délicate avec quelques nuances plus sombres sous le menton donne du volume à son visage.

Ensuite, vient la description du buste de la femme. Sa clavicule, juste suggérée par un coup de pinceau très discret, est à peine visible. On aperçoit juste une ombre qui indique un petit creux au niveau de l'épaule gauche. Puis à la naissance de sa poitrine, juste au dessus du déshabillé, apparaît là encore une ombre qui suggère la « rivière » entre ses deux seins. Cette partie du buste est peinte de couleur chair un peu bleutée, une couleur un peu froide, par contraste avec le visage plutôt dans des tons roux et chauds.

Enfin, nous atteignons la partie inférieure du tableau, représentant le déshabillé de la femme et ses mains.
Le déshabillé a été peint avec une très grande désinvolture. L'artiste a laissé de côté son pinceau pour se servir de son couteau et sa palette comme pour « maçonner » son tableau.
Toute la partie inférieure a été réalisée de cette façon, dans des teintes blanches et grises, donnant l'impression d'une esquisse. C'est dans cette partie, en bas à droite, qu'apparaissent en rouge la signature de Gustave Courbet et le nombre 67, date de l'œuvre (1867).

Par contraste avec les traits plutôt grossiers du vêtement, le bras de la dame est représenté de manière très délicate. Il a manifestement été réalisé avec le pinceau le plus fin afin que les touches de couleurs se fondent les unes dans les autres, faisant ressortir la perfection du sujet. Le bras sort du déshabillé dont la manche est roulée jusqu'à mi-bras. On en aperçoit la moitié ainsi que le coude, car la femme est en train de prendre le collier dans le coffret à bijoux. Son coude forme comme une flèche en direction de la signature de l'artiste. Son avant-bras remonte légèrement vers sa poitrine, formant une diagonale. Il part en s'affinant vers la main gauche, qui est placée de façon horizontale.
L'auriculaire est un peu écarté, à la façon des dames mondaines prenant le thé. A l'annulaire, on remarque une bague avec une pierre bleu turquoise. Dans l'ombre on aperçoit le majeur, l'index et le pouce qui tiennent le collier. Celui-ci tombe verticalement de la main vers le coffret. Ses perles sont représentées par des touches inégales de blanc, avec un certain empâtement, nous le montrant comme s'il était vivant.

La femme tient le couvercle de son coffret à bijoux avec la paume de sa main droite. Seul le pouce se voit distinctement. Les autres doigts sont dans l'ombre.

Le couvercle du coffret forme une autre diagonale, plus prononcée toutefois que celle du bras.

Le coffret, quant à lui, est de dimension assez petite : environ la longueur de la main sur une hauteur de cinq centimètres. Par opposition à la minutie qui apparaît dans la réalisation de la femme, l'artiste semble montrer un certain désintérêt pictural pour réaliser ce coffret. De couleur brune, avec des touches plus foncées et des nuances grises et vertes, il est bordé d'un liseré vert dans sa partie supérieure. A l'intérieur, on aperçoit un magma de touches de peinture blanches, vertes et marrons. Les touches blanches représentent certainement les perles du collier que la dame n'a pas encore sorties.

Pour terminer cette visite, notre conférencière évoque ces jolies femmes qui servaient de modèles aux peintres pour réaliser leurs œuvres. Bien souvent elles se trouvaient dans l'entourage des artistes. Par exemple il est de notoriété que la dame aux bijoux serait la maîtresse d'un ami de Gustave Courbet.

Comme chaque fois, nous sommes repartis enchantés de cette découverte et attendons avec impatience la prochaine visite prévue...

Rédigé par Nicolas Fortin, le 27 février 2013.

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