Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux-arts de Caen du 7 janvier 2012

Une visite descriptive d'un tableau d'Edvard Munch a été organisée par le musée des Beaux-arts de Caen le samedi 7 janvier 2012. Cette fois il ne s'agissait pas seulement de découvrir une œuvre par sa description mais également de nous faire savourer de petites bouchées de nourriture préparées par Julie Amselem.

Nous avons eu aussi la possibilité de découvrir la technique du découpage des œuvres en petits carrés utilisée pour réaliser des versions plus petites ou plus grandes tout en conservant la bonne échelle.

Julie Amselem nous a présenté brièvement son travail. C'est une artiste plasticienne et cuisinière de curiosité qui s'inspire de l'art pour créer ses propres recettes

C'est Isabelle Maarek, également artiste plasticienne, qui nous a présenté l'œuvre d'Edvard Munch, « Soirée sur l'avenue Karl Johan ». Elle nous a tout d'abord invités à nous plonger dans l'enfance de l'artiste.

Edvard Munch est né en 1863 à Loten, en Norvège. Son père, Christian, était médecin militaire issu d'une famille très cultivée, tandis que sa mère venait d'une famille paysanne. A cinq ans, il a perdu sa mère emportée par la tuberculose. A partir de ce jour, son père ne fut plus le même : il déprima et trouva refuge dans la religion.
Edvard a grandi à Christiania, alors capitale Norvégienne. Il y fut élevé par la sœur de sa mère.
Le sort semble s'être acharné sur cette famille car, à l'âge de quinze ans, Sophie, la sœur aînée d'Edvard, contracta la phtisie. Cela obligea la famille à déménager à Oslo où Sophie mourut finalement dans la maison familiale. Par la suite, c'est la jeune sœur d'Edvard qui connut la dépression. Seul son frère, Andréas, se maria. Mais il mourut peu après.

Le talent d'Edvard Munch pour le dessin fut très tôt remarqué par sa famille. Mais son père tenta de l'orienter vers un métier technique. Cependant, Edvard revint vite à sa passion qu'il étudia sérieusement à l'école royale d'art et de dessin où il ne resta qu'une petite année. Il décida alors de peindre en autodidacte. C'est son voisin, le plus grand naturaliste norvégien, Christian Krohg, qui vint corriger ses défauts de techniques.

Malgré sa santé fragile, décrochant une bourse, Edvard Munch commença a voyager en Europe. Lors de son premier séjour à Paris, il découvrit le Louvre et sa richesse picturale. C'est grâce à ce séjour qu'il fut conquis par l'impressionnisme. C'est également à cette époque qu'il fit sa première rencontre amoureuse, qui le marqua beaucoup.

Isabelle Maarek a interrompu alors son exposé pour laisser Julie Amselem présenter sa première découverte gustative. Il s'agissait d'une bouchée a base de betterave crue creusée, dont l'intérieur était rempli de brandade de morue assaisonné à l'ail et recouverte de poudre d'algue. Julie nous a expliqué que la source de son inspiration pour ces bouchées lui était venue de la cuisine norvégienne, notamment du rapport terre mer.

Notre conférencière a repris en nous lisant un passage d'un texte écrit par la dernière sœur d'Edvard. Ce texte correspond bien à l'état d'esprit dans lequel se trouvait l'artiste dans cette période de sa vie.

Ensuite, Isabelle Maarek nous a décrit le tableau « Soirée sur l'avenue Karl Johan », 1892. C'est une huile sur toile de 84,5 centimètres sur 121, au format paysage. Une masse de personnages habillés en noir nous saute aux yeux. Elle se trouve dans la partie inférieure de l'œuvre. Ce sont des hommes et des femmes au teint blafard, voire spectral, qui arrivent sur nous sans nous voir. Ils sont coupés à mi-corps. Ils sont très inquiétants avec leurs yeux vides de toute expression, comme hypnotisés.
A gauche du tableau se trouve des bâtiments avec des fenêtres éclairées. Sur la droite, on devine un arbre monumental. Et dans le fond, la ville semble endormie. Un personnage se trouve seul dans la rue, marchant en sens inverse de la foule. On peut imaginer que l'artiste a représenté sa propre solitude.

La tonalité générale du tableau est de couleur bleu mauve, assez foncée. Elle donne une impression de crépuscule, comme entre chien et loup. Le tableau a une apparence « sale », créée à base de coups de pinceau rapides. L'artiste travaillait sans préparation avec des gestes directs.

Edvard Munch a toujours eu beaucoup de mal à vendre ses tableaux tant il y était attaché. Cela l'incita à en faire de nombreuses versions, souvent très différentes dans les couleurs. Il se donnait à fond dans la première version de sa peinture, les suivantes nous apparaissant beaucoup plus légères.

Dans son pays, il fut considéré comme un impressionniste norvégien mais ce n'est pas du tout le cas. Cela correspond juste à une période de sa vie.
Lors d'un voyage, un ami le fit exposer à Berlin. Mais cela déclencha un scandale, sa peinture étant considérée comme horrible. Cependant, les journaux en parlèrent tant que cela lui fit de la publicité. C'est à partir de ce moment qu'il put créer sa propre exposition et qu'il commença à récolter le fruit de son talent.

Notre conférencière s'est alors à nouveau interrompue pour nous laisser déguster de nouvelles créations de Julie. La bouchée était cette fois un blinis à base de farine de sarazin et d'écorce d'orange, sur lequel était posé du poisson mariné dans de l'huile et du citron et saupoudré d'une baie japonaise verte très fraîche.

Isabelle Maarek a repris son récit de la période européenne de Munch. A cette époque, il rencontra beaucoup de personnes que nous appellerions aujourd'hui des marginaux. La Douchka était l'une d'entre elles. Son sourire était réputé pour faire damner tous les hommes. Elle était une grande buveuse d'absinthe, sans jamais se retrouver saoule.

Un jour, Munch rencontra une femme qui voulait l'épouser à tout prix. Mais il refusa car elle était beaucoup plus riche que lui. Ce fut le début d'un drame d'une grande violence qui le rendit paranoïaque. En 1909, il fit un séjour en hôpital psychiatrique où il suivit un traitement. Malgré cela, toute sa vie, des images le hantèrent.

Après cette description bouleversante de la vie de l'artiste, Isabelle Maarek nous a décrit une estampe du célèbre « cri ». En se promenant dans les fjords avec des amis au moment du coucher du soleil, Edvard Munch vit du sang dans le ciel. Il eut l'impression d'entendre la nature hurler. En rentrant chez lui, il a souhaité peindre son ressenti. Il s'est représenté chauve, les mains sur les oreilles, les yeux exorbités, la bouche démesurément ouverte et le corps complètement déformé. Son visage rappelle une tête de mort.
Derrière lui, se trouve un lac avec deux bateaux aux voiles blanches sous un ciel qui forme de grande partie blanche. Des lignes ondulantes verticales et horizontales donnent une impression de mouvement voire de vibrations.

Pour notre dernière parenthèse gustative, nous avons pu savourer Une boisson a base de litchis et de myrtilles épicée au cumin.

Edvard Munch sera une grande source d'inspiration pour les expressionnistes allemands. Il est décédé en 1944, à Ekely près d'Oslo, à l'âge de 80 ans. Il a légué un millier de tableaux, 4.500 dessins et aquarelles et six sculptures à la ville d'Oslo qui a construit en son honneur le musée Munch.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 15 janvier 2012.

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